Jeanne d’Arc va faire son retour au cinéma par la grande porte

Si la nouvelle est, en France, passée plutôt inaperçue, elle a en revanche déjà fait le tour du monde du cinéma anglo-saxon : Baz Luhrmann, le réalisateur déjanté de Roméo + Juliette, Moulin Rouge et Gatsby le Magnifique, va consacrer son nouveau film à Jeanne d’Arc. Avec, dans le rôle-titre, une jeune anglaise du nom d’Isla Johnston.
Il avait rêvé d’Alexandre Le Grand, mais c’est finalement de Jeanne d’Arc dont Baz Luhrmann retracera l’épopée sur grand écran. Fort des 288 millions de dollars de recettes et 8 nominations aux Oscars obtenus par son Elvis en 2022, le réalisateur australien a obtenu l’accord de la Warner Bros pour se lancer dans le tournage dans ce biopic unique en son genre.

Leonardo di Caprio dans Gatsby le Magnifique
Depuis maintenant plus d’une trentaine d’années, Baz Luhrmann a imposé sa marque : celle d’un cinéaste amateur d’œuvres littéraires classiques, mais qui aime à les réinterpréter dans un style baroque, moderne, coloré, voire carrément déjanté. Pour preuve, ses célèbres Roméo + Juliette (1996) et Moulin Rouge (2001), deux films au rythme frénétique et à la bande originale résolument pop. Bis repetita en 2013 avec Gatsby le Magnifique interprété par Leonardo Di Caprio, même si le film, au final, se révélera de facture légèrement plus classique que ses œuvres précédentes. Mais avec Jeanne d’Arc, ce n’est pas à simple livre, aussi célèbre soit-il, que le réalisateur s’attaque. Car il s’agit-là d’une sainte, d’une légende, d’une icône mondiale, d’un personnage historique à nul autre pareil qui, de Mark Twain à Victor Fleming en passant par Charles Péguy, n’a cessé, depuis six siècles, d’inspirer les plus grands.
Un projet alléchant
Que sait-on donc, à ce stade, de cet ambitieux projet ?

Ava Pickett, co-scénariste de Jehanne d’Arc
D’abord, que Baz Luhrmann a choisi de s’inspirer d’un roman méconnu Rouge sans, sœur Rose, écrit en 1974 par l’australien Thomas Keneally, l’auteur de La liste de Schindler. Pour l’adapter, Luhrmann a décidé de s’adjoindre les services de la jeune dramaturge anglaise Ava Pickett qui, si elle est encore peu connue en France, s’est fait un nom en Angleterre avec 1536, une pièce qui fait dialoguer trois jeunes femmes dans leur village de l’Essex sous le règne d’Henry VIII. La condition féminine au temps des rois, c’est donc son sujet. On comprend donc, en creux, que le roman ne constitue qu’un point de départ. Aux côtés de sa co-scénariste, Baz Lurhmann a d’abord fait des repérages à Rouen et Paris avant de s’isoler sur la Gold Coast australienne au cours de l’été 2025 pour boucler leur scénario.
Reste un aspect essentiel du projet : celui l’actrice choisie pour incarner la Pucelle d’Orléans. Or c’est une certaine Isla Johnston, 18 ans, qui a été finalement retenue à l’issue des auditions organisées à Londres. Inconnue du grand public, cette anglaise s’est toutefois fait remarquer il y a quelques années en jouant la jeune Beth Harmon, championne d’échecs de la série à succès de Netflix Le Jeu de Dames. Mais depuis, plus grand-chose, à l’exception d’apparitions dans d’obscures productions ou des séries télé de moins grande envergure. C’est donc un tout nouveau visage, mais rayonnant de jeunesse et élevé dans la quiétude de la campagne anglaise, qui a conquis Baz Luhrmann ; ce qui, somme toute, présente une certaine cohérence avec le personnage de la bergère de Domrémy, qui a elle aussi quitté ses champs herbeux avant de faire une entrée fracassante à la cour de France. Isla Johnston n’aura toutefois pas tardé à être adoubée par le monde de la mode. Sitôt engagée, elle a fait la couverture de Vogue UK et été choisie comme égérie de grandes marques comme Loewe ou Jack McCollough.
Mais revenons à nos moutons, justement : quelle lecture du personnage de Jeanne d’Arc entend faire Baz Luhrmann ? L’abordera-t-il de manière moderniste, féministe, voire anti-patriarcale, ou pourrait-il, au contraire, déjouer les pronostics et faire la part belle à sa mission divine ?

Isla Johnston en couverture de Vogue
Sur ce point, le réalisateur australien est demeuré plutôt évasif. Son compatriote et producteur historique, Schuyler Weiss, s’est toutefois montré plus précis au cours des dernières semaines. « Nous essaierons de porter à l’écran la véritable histoire d’une fille de 17 ans qui s’est retrouvée dans un monde dévasté et fracturé, un pays à genoux, avec un futur complètement incertain pour les jeunes gens », a-t-il ainsi déclaré lors d’une conférence donnée au Japon le 1er novembre dernier. « La seule chose qu’elle savait, c’était que son destin était fermement entre les mains noueuses d’une bande de vieux messieurs aux pouvoirs bien établis. La capacité d’une jeune fille de 17 ans à briser le monde et reprendre en main le futur de la France en des temps de changements et de périls apparaît comme une histoire en laquelle les gens d’aujourd’hui peuvent se reconnaître. »
Même si ces déclarations font peu de cas de la mystique du personnage et tendent à dénoncer le pouvoir des hommes, elles ne sont pas non plus totalement absurdes. En son temps, la Pucelle d’Orléans constitua le symbole d’une jeunesse conquérante et inspira bon nombre d’adolescentes qui, à son exemple, se mirent à monter à cheval et porter les cheveux courts. Il faut aussi faire confiance au talent de Baz Luhrmann. Quoi qu’on puisse penser de son style, rien de ce qu’il a porté à l’écran n’a jamais été médiocre. Outre de fabuleux décors et de la mise en scène, ses films ont toujours pu s’appuyer sur un montage d’une qualité hors pair. Il est enfin à parier qu’entre le projet de départ et le résultat final, entre les inévitables réécritures du scénario et les changements intervenant en cours de tournage, beaucoup de choses sont amenées à évoluer. Les photos que Baz Luhrmann diffuse régulièrement sur les réseaux sociaux donnent d’ailleurs à penser que, comme d’autres avant lui, il est en train de tomber sous le charme d’une époque médiévale trop souvent brocardée.
Nous autres Français, en tout cas, ne pouvons que nous réjouir de voir un cinéaste de renommée mondiale s’intéresser à notre héroïne nationale. En particulier après le très malsain Jeanne d’Arc de Luc Besson et le désastreux Jeanne de Bruno Dumont, qui ont tous deux causé beaucoup de déceptions. Aussi ce Jehanne d’Arc de Baz Luhrmann est-il peut-être, cinématographiquement parlant, la meilleure chose qui pouvait lui arriver.
Réponse à la fin 2026 ou au début de l’année 2027.
Et en attendant, n’oubliez pas de vous plonger dans la saga johannique des Trois Pouvoirs….
Xavier Leloup
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Les Trois Pouvoirs 4 : L’envoyée de Dieu, Xavier Leloup, Éditions La Ravinière, 19,90 €.


